Histoire d’une fille à bord d'un bateau ardent. Je suis une fille de la terre. Une fille de la place du Capitole et du quartier St Cyprien. Exilée mais toujours arrimée à ses racines. J’ai peur de l’eau comme celle de la Garonne, comme celle du canal du midi. Et j’ai peur de la mer et des océans. Je n’aime pas les bateaux, n’en déplaise à mes Cousins Bretons. Non je n’aime pas les bateaux…mais j’ai choisi le Belem, allez savoir pourquoi…
Histoire d’une rencontre. Quand mes Asics de petite joggeuse se sont posées sur le spardeck... Quand mon tatouage de midinette a croisé celui du bosco à la peau burinée et au corps musculeux... Quand ses yeux suspicieux de marin aguerri ont capté mon regard de banlieusarde ignorante... J’ai compris que j’allais filer droit et mettre un mouchoir sur mon insolence. Avant même de serrer la main des officiers, le bosco marquait son territoire, imposait le respect et incarnait l’âme du bateau. Le vrai Boss à bord, c’est lui et c’est à lui que le bateau obéira. Sacré José…
Histoire d’un mousse. J’ai fait partie d’un tiers. J’ai fait mes quarts de jour et mes quarts de nuit. J’ai fait reluire les cuivres et accepté d’autres corvées de propreté de 8 à 9 le matin. J’ai été de service auprès du cuisinier pour servir le repas des stagiaires et essuyer la vaisselle. J’ai tellement brassé, cargué, lové (parfois à l’envers, rappelée à l’ordre par le bosco) que mes mains s’en souviennent. J’ai tellement levé les yeux vers le ciel pour suivre le mouvement des voiles que ma nuque s’en souvient encore. J’ai tellement regardé la mer qui répondait au soleil que ma peau s’en souvient aussi. J’ai barré sur la dunette sous les quolibets du bosco qui trouvait que je n’étais pas bonne à la barre. Morte de rire, j’ai fait swinguer le compas et fait faire du zigzag au Belem. J’ai veillé sur le gaillard jusqu’à minuit, escortée par les étoiles filantes, couronnée par la voie lactée. Et j’ai attendu que Madame la lune se couche… J’ai dormi un peu…
Histoire de Boot. J’ai voulu faire la sieste dans les filets du Beaupré mais non, pas de sieste pour les mousses de pacotille. « Tu as fait joujou, alors maintenant tu ranges tes jouets, dégage-moi le pont et love moi ces boots… ». Love, Love, mais comment qu'il cause ! Love love, du verbe to love en anglais ? Non non du français « lover ». Tu loves ton boot comme tu te loves dans ton lit mais dans le sens des aiguilles d’une montre, sinon ça fait des huits… Quand enfin tu as fini ton « love », sur un boot qui n’en finissait pas de courir tout le long de la coursive, il faut le poser sur le cabillot. Tu essayes de soulever le gros caca d’escargot à tes pieds, tu ne peux pas. C’est pas de la petite ficelle de cuisine… Tu finis par y arriver et tu compares ton travail avec celui du gabier à coté de toi. Toi tu pleures et lui ricane.
Histoire de voiles. Laissez-moi aussi vous parler des voiles. Je suis sûre aujourd’hui que les marins sont des poètes. Chaque mât au nombre de trois constitue un phare, tout un programme… Le diablotin flirte avec la marquise, Le petit foc et le grand foc font de l’ombre au faux foc. Le pauvre… Les voiles d’étai prennent la pause en grand écart entre le mât de misaine et le grand mât. Des perroquets côtoient des cacatoes (Cacatois). Quant à la Brigantine au dessus de la Timonerie, elle surveille la flèche et l’officier de quart. La Misaine répond à la grand voile, les petits huniers fixes et volants répondent aussi à leurs grands frères. Deux fois j’ai vu ces voiles se déployer à la force de nos bras. Un beau ballet pour apprivoiser les vents.
Histoire d’une Via Ferrata. Et puis je suis montée dans la mâture. Sécurisée par une ligne de vie, j’ai posé mes pieds sur les enfléchures, mes mains sur les haubans et je me suis hissée vers le ciel. J’ai dépassé la vergue de la Grand Voile, passé l’obstacle de la hune. Je suis passée devant le grand hunier fixe et le volant. Devant le perroquet, je me suis arrêtée pour reprendre mon souffle et je suis repartie pour sortir victorieuse après le Grand Cacatois. Accrochée à la vergue, je suis restée là avec Thierry qui photographiait ses pieds pour oublier son vertige…Shootée à l’adrénaline, enivrée par les vents chauds de la mer Egée, j’étais partagée entre l’angoisse du vide et la contemplation du paysage immense. Avec la conscience aussi d’être là, ancrée dans le monde, nulle part ailleurs et de vivre pleinement l’instant présent, unique. Hier n’existait pas, demain non plus. Reprenant conscience de mon corps, les muscles tétanisés, j’ai laissé doucement se dissoudre l’instant magique et nos deux gabiers ont donné le signal de la descente et du retour au monde des mortels. WHOUA ! Expérience inoubliable….
Oui Je suis une fille de la terre, Et je n’aime pas les bateaux. Mais aujourd’hui, je dis : « Belem, je Tem ». A son bord, j’ai oublié mes peurs. J’ai oublié les abîmes pour ne regarder que le ciel. Et ça a un petit goût de « Reviens’y ».
Christine, stagiaire pour la première fois à bord du Belem mais pas la dernière !
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