1) Comment avez-vous connu le Belem ?
Ma première rencontre avec le trois-mâts remonte à juin 2003 au cours de vacances dans un des plus beaux écrins : la cité corsaire de Saint-Malo ! Une rencontre surtout inattendue lors d’une visite sur le port pour échapper à la cohue touristique intramuros. “Belem” était en courte escale entre deux navigations. Les navigants (que je prenais à l’époque pour l’équipage) débarquaient tout juste, arborant fièrement t-shirt, vareuse ou polaire à l’effigie du navire. Une foule de badauds était amassée autour de la coupée. Le simple fait de voir le navire était impressionnant. J’étais subjuguée. Comme beaucoup, je le connaissais grâce à “la” fameuse photo de Philip Plisson qui a fait le tour du monde...
Il était impossible de le visiter, cependant l’équipage informait le public de la participation du navire à la Grande Armada de Rouen le mois suivant.
A ce moment-là, je ne connaissais rien des activités du voilier et avais encore moins entendu parlé d’une fondation dédiée. Pour moi, “Belem” était inaccessible, un autre monde réservé à une élite, et par conséquent l'idée de poser un jour mon sac à bord était purement inenvisageable et ne me venait même pas à l’esprit.
Par contre, l’idée de pouvoir le visiter me trotta dans la tête et je me suis rendue à l’Armada avec pour objectif principal de monter à bord. En juillet donc, après une longue et interminable file d’attente, je savourais le moment d’être à bord et j’arpentais à plusieurs reprises tous les endroits du pont ouvert aux visiteurs. Je me souviens avoir fait un nombre incalculable de photographies pour garder un souvenir de ce moment mémorable… Et là, un membre de l’équipage (Serge toujours gabier à bord aujourd’hui) est venu me proposer d’embarquer en me précisant les activités du navire et le programme des navigations.
Premier réflexe : ce n’était pas pour moi, n’ayant aucune expérience de voile … justement … et là s’ensuivit une conversation des plus persuasives qui m’a donné envie de tenter l’expérience. Afin de lever mes dernières appréhensions, Serge m’invita à revenir le lendemain pour visiter les logements des navigants non accessibles en visite. Désormais rassurée, je réservais sur la saison suivante.
2) Combien de séjours de navigation avez-vous effectué et surtout pourquoi ?
J'ai pour ainsi dire attrapé le "virus nautique" lors de ma toute première navigation à bord du Belem. C'était donc en 2004. J'avais à l'époque réservé trois petites navigations consécutives (soit 10 jours), intimement persuadée que cette expérience à bord d'un grand voilier ne pourrait pas me décevoir, puisque j'en rêvais, puisque je rêvais de “Belem” depuis ma visite à l’Armada ! Et ce fût le cas, au point que la même année, j'ai récidivé pour une quatrième navigation en fin de saison.
Ce que par contre, je ne pouvais pas prévoir à l'époque, c'est que 14 années plus tard, je comptabiliserai 49 navigations en 28 embarquements ! Soit au total 275 jours en navigation (9 mois!) et 21.821 milles parcourus (40.412 kms soit le tour de la Terre à l'Équateur!).
Et pourtant au départ, je n'avais aucune prédisposition particulière pour la voile, aucune expérience plus significative qu'un essai raté en « Optimist » sur un lac artificiel par une journée sans vent, ni non plus de transmission d'un patrimoine génétique d'un illustre ancêtre marin !
Comme quoi...tout peut arriver … à commencer par la naissance d'une véritable passion.
Aujourd'hui, j'avoue passer la majeure partie de mes vacances en mer. Je pense que c'est un des rares espaces de liberté qu'il nous est encore permis de savourer pleinement. À bord, vous n'avez à vous soucier que de la bonne marche du navire... Vous laissez votre quotidien de terrien, l'actualité trop souvent anxiogène de la société et tous les petits tracas de la vie courante sur le quai au moment où la dernière amarre vous livre à l'océan. Pour la petite anecdote, à la question de mes proches suites à mon premier embarquement. "Alors, ça y est tu as réalisé ton rêve en navigant sur le Belem ! Et maintenant quel est ton prochain rêve ?", je me rappelle avoir répondu dans la foulée : "Y retourner !"
3) Qu'est-ce qui vous lie à ce voilier ?
Un lien indéfectible à n’en pas douter, difficile d’ailleurs à expliquer après tant d’années… je crois qu’il faut avoir navigué à bord pour comprendre cet “effet Belem” dont tous les “multirécidivistes” parlent unanimement. Et si je vous parle d'un coup de foudre pour le Belem ? Outre son incroyable passé historique fascinant, “Belem” attire par son élégante ligne, ses nombreuses essences de bois impeccablement vernis sur le pont comme à l'intérieur des roofs et des ponts, ses cuivres toujours entretenus. Partout où le regard se pose, l'esthétique est omniprésent. “Belem” attire, séduit, envoûte et j’aime toujours autant faire des photos suivant les jeux de lumières ou l’atmosphère toujours différente. Mais on ne peut pas parler du navire sans évoquer son équipage ! Seize hommes et femmes, professionnels du monde maritime, passionnés par leur métier et intarissables sur leur envie de le partager avec tous les navigants venus en mode découverte, l'espace de quelques jours. C'est donc un tout indissociable et la magie opère à chaque embarquement. A bord entre nouveaux navigants, navigants multirécidivistes et équipage c’est un peu une franche camaraderie, une cohésion d'équipe dans les manœuvres et surtout le sentiment de vivre une expérience unique de continuer d’écrire l’histoire de “Belem”. Découvrir une activité qui vous est totalement étrangère et dont rien ne vous en prédispose. L’apprécier parce qu’elle vous est transmise par des marins passionnés que vous connaissez pour la plupart depuis des années et comprendre cette passion au point d’en faire la vôtre quelques jours dans l’année… c’est peut-être là l’explication ?!
4) Cette année, vous avez de nouveau embarqué, sur quel séjours avez-vous jeté votre dévolu ?
Oui ! Une année sans naviguer à bord est pour moi inconcevable ! J’ai déjà embarqué sur Brest-Liverpool et la Tall Ships Regatta entre Liverpool et Dublin en mai dernier et très bientôt, je récidive en Méditerranée entre Nice et Sète pour le 50ème.
5) Avez-vous des liens avec d'autres récidivistes ?
Oui bien évidemment, je suis en contact permanent avec certains navigants, ou plus ponctuels avec d’autres. Ce sont des amis. Nous avons vécu ensemble d’excellents moments lors de navigations, souvenirs que nous ne nous lassons d’ailleurs jamais de nous remémorer lorsque nous nous voyons. Nous sommes sur la même longueur d’onde avec une vraie passion commune pour “Belem”.
Nous faisons de temps à autres des dîners entre navigants franciliens. Et puis je ne compte plus les contacts par téléphone, sms, réseaux sociaux pour échanger sur les programmes à leur sortie, choisir les mêmes navigations parfois, souvent même et préparer ensemble la logistique d’embarquement.
6) Vous aidez souvent la fondation. Que faites-vous bénévolement ?
Oui autant que je peux, en dehors de mon activité professionnelle et mon implication au sein de l’Association des Amis des Grands Voiliers comme photographe et responsable de communication média (newsletters, site, réseaux sociaux). Mes activités de bénévolat pour la fondation Belem sont diverses. Avoir le privilège de naviguer à bord de “Belem” conduit forcément à vouloir ensuite partager son expérience lors de différentes occasions telles que : le Salon Nautique de Paris - tenue du stand tous les ans depuis 2007, les visites lors des escales conjointes à mes navigations ou à l’occasion de rassemblements de grands voiliers, manifestations diverses : Sail Amsterdam 2015 - 120 ans du Belem - Les Grandes Voiles du Havre, etc.
Mon rôle est alors de renseigner les visiteurs sur les possibilités de naviguer sur “Belem” mais aussi de partager mon expérience en racontant le quotidien de la vie à bord, de rassurer sur des craintes ou inaptitudes bien souvent infondées, de délivrer quelques petites préconisations, bref de transmettre l'envie de poser un jour son sac à bord et de vivre pleinement une aventure inoubliable. Ce que je préfère, c’est les visites des scolaires. Je garde un excellent souvenir des classes de CE1/CM1 à l’occasion des 120 ans de “Belem” à Nantes.
7) Maintenant que vous connaissez le Belem par cœur, qu’attendez-vous de votre 50ème navigation et des prochaines ?
La question formulée ainsi répond un peu à ma place ... mais oui effectivement je ne compte pas m'arrêter à la 50ème navigation même si je ne suis pas à la recherche d'un record ou de tendre à la 100ème navigation à tout prix ... Qu'est-ce que je pourrais attendre de mes futures navigations ? Et bien je ne vais pas être très originale, à vrai dire je ne me pose même pas la question en fait. Je sais que je vais avoir plaisir à être à nouveau à bord quelques jours, à retrouver des connaissances parmi l'équipage et peut-être également parmi les navigants. Participer pleinement aux activités du bord, le simple fait d'être en mer, tout cela va contribuer à me ressourcer et recharger les batteries après une rentrée professionnelle bien chargée. Le Belem est ma petit bulle d'oxygène indispensable 2 à 3 fois par an.