« Le bosco aux fourneaux et le chef méca à la plonge ! »
Maël Deshayes, chef mécanicien et Patrice Caherec, maître d’équipage, se sont retrouvés seuls à bord en ce début de confinement du navire à Saint Nazaire. Un arrêt sur image qui ressemble à un nouvel hivernage en effectif réduit à son strict minimum, alors même que le navire était tout juste gréé pour le grand départ du 1er avril. « C’est comme cela, on n’y peut rien » disent-ils fatalistes mais surtout extrêmement déçus de ne pas prendre la mer. Ils ont vu partir les autres membres d’équipage retrouver leurs proches. Situation improbable et tellement inattendue. Et collectivement, ils ont dû refouler leur excitation de veille de grand départ.
A deux, comme seuls au monde, la vie s’organise, différente. A l’avant le maître d’équipage, à l’arrière le chef. Chacun a pris ses marques et ses distances, ils se saluent visuellement, confinement et gestes barrière obligent. Dernière ronde à 22h avant de tout fermer à clés. Nos deux protagonistes prennent tout de même leurs repas ensemble, le gel hydro alcoolique toujours à portée de main côté cuisine. Répartition imprévisible des rôles: aux fourneaux le bosco, à la plonge le chef. « Patrice est un vrai cordon bleu » précise Maël. Au menu d’hier saumon au beurre blanc, ce soir bourguignon, couscous programmé dans la semaine, il continue de faire bon vivre à bord. « On ne va pas se laisser abattre, la nourriture, c’est l’un des seuls moyens de garder le moral » renchérit Patrice. Heureusement, leur moral n’est pas atteint, même s’il leur manque l’essentiel : le contact avec les autres, les relations humaines, ce que le Belem favorise et valorise. Dur de résister à faire visiter le bateau au livreur qui les ravitaille. Mais tout le monde comprend et accepte la situation. Les gendarmes prennent quelques photos fortuites à la fin de leur service. La coupée est relevée en permanence telle une passerelle manquante avec le monde extérieur. « Pour l’instant on s’entend bien, on verra à la fin de mois. Le comble, c’est que l’on ne se connait que depuis quelques semaines » confie Patrice. Car voilà, c’est bien là, la question que tout le monde se pose : ça va finir quand ? En attendant, nous leur avons confié les clés du navire. Ils en prennent grand soin, le bichonnent. Maël à l’administratif et à la machine… L’occasion de réviser les groupes électrogènes. Patrice à l’entretien : peinture, gréement, poulies, vernis des descentes de la dunette, calfatage du pont…. « Nous avons l’avantage d’être très occupés dans la journée. Le temps passe vite » conclut Patrice qui souhaite courage et santé à tous dans cet exercice imposé.