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La relève des présidents

mardi, 22 février 2011 17:35
Paul Le Bihan à la barre du Belem

Interview de Paul Le Bihan, président de la Fondation Belem de 2003 à 2011.

Quand et comment avez-vous fait la connaissance du Belem ?
Ma première rencontre avec le Belem date de près de 25 ans : en poste à la Caisse d'Epargne de Brest, j'ai eu l'occasion de le  découvrir en escale au port de commerce. Presque simultanément, j'ai eu  le plaisir de  naviguer  en mer  d'Iroise par mauvais temps dans le cadre d'une sortie organisée par la Caisse d'Epargne. Cette première navigation à bord est encore très présente dans ma mémoire marquée  par une initiation privilégiée : près d'une heure assis sur la vergue  du grand cacatois aux côtés du commandant Jean Randier qui m'a transmis sa passion de ce magnifique navire, le tout  par 25 nœuds de noroît  et une grande houle d'ouest entre les Pierres Noires et le cap de la Chèvre.  Le sentiment d'être à bord d'un navire d'exception, marin, solide et capable d'affronter le temps.

 

Dans quelles circonstances êtes-vous entré à la Fondation ?
La Caisse d'Epargne de Brest détenait un siège de droit au sein du Conseil de la Fondation Belem. Accédant en 1989 à la fonction de directeur général, j'ai fait mon entrée au Conseil d'administration de la fondation. J'y suis resté jusqu'en 1992 lorsqu'à l'occasion d'une réorganisation de la représentation du groupe mécène au sein du Conseil, j'ai laissé ma place à Alain Le Ray ; celui-ci a présidé la fondation pendant plus de 10 ans. Durant cette période je suis toujours resté en contact avec le navire au travers de sorties en mer et d'opérations de privatisation. J'ai côtoyé tous les commandants et pu apprécier leur professionnalisme et leur envie de  faire  découvrir et partager  ce navire exceptionnel au plus grand nombre. En 2002, Alain Le Ray, qui souhaitait passer la main, a cherché un successeur au sein des Caisses d'Epargne et  en accord avec Charles Milhaud, Président du groupe, il s'est, tourné vers moi. J'ai donc retrouvé le Conseil 10 ans après mon départ et j'ai accédé à la présidence en juin 2003. Très sensible à cette sollicitation, fier de la confiance du mécène, je mesure la chance qui  fut la mienne de pouvoir accompagner avec l'appui de l'équipe de la fondation, l'équipage et tous les supporters du Belem, ce monument qui défie le temps, et  contribuer modestement à faire rayonner sa mission de témoin de notre riche passé maritime, de  passeur de savoir  et d'incitation au  rêve et à l'aventure.

Le Belem est-il toujours le même ? Quelles évolutions constatez-vous depuis votre arrivée au sein et à la tête de la Fondation ?
25 ans après le début de sa  mission de navire école civil,  je reste frappé par ce  succès et cette attractivité  qui  ne se  démentent pas. Le taux de remplissage des stages en témoigne, le succès des visites publiques lors des escales le démontre.  L'ambition de conserver cet accès permanent au grand public est, à mes yeux, essentielle. Le Belem est notre propriété collective et doit à mon sens le rester. Sans oublier qu'il s'agit d'un navire au long cours : il ne faut pas le priver de belles aventures qui dépassent le cabotage dans nos ports français. À noter certainement, une tendance  normale et  logique à la professionnalisation du fonctionnement général du Belem et de la fondation. Cette évolution est indispensable  à plus d'un titre, et tout d'abord pour assurer la sécurité des personnes naviguant à bord et rester en conformité avec une règlementation de plus en plus exigeante. Le rôle de l'équipage lui-même évolue face à des attentes plus fortes de la part des stagiaires et des personnes embarquées. Et je n'aurais garde d'oublier la nécessité plus générale de gérer la fondation avec rigueur dans un contexte où les budgets sont de plus en plus serrés.

Quels sont les  souvenirs les plus marquants pour vous de ces années où vous avez été témoin et acteur privilégié de la vie du Belem ?
Ils sont tellement nombreux qu'il est difficile d'en privilégier quelques-uns.  Si  le Belem est un navire exigeant,  il donne beaucoup en  retour.  J'ai vécu quelques événements en direct mais aussi beaucoup d'autres à distance,   par procuration en quelque sorte.  Il est difficile de ne  pas citer l'arrivée à Québec et l'accueil de nos cousins de la Belle province, l'enthousiasme des Marocains lors de l'escale de Rabat, la joie des familles des descendants des marins du Fantôme II à Cowes, la rencontre au  Fastnet  des 60 pieds open en course, l'entrée dans le port Rhu à Douarnenez et la liste est  encore bien longue.... Il y a aussi le bonheur des stagiaires qui témoignent par écrit ou de vive voix lors d'un passage sur le stand de la Fondation Belem au salon nautique, les mails enthousiastes de responsable d'entreprises ayant privatisé le navire mais aussi  la passion et l'engagement de l'équipage. S'agissant des officiers et des hommes d'équipage  je voudrais tous leur rendre hommage, car ils portent  au quotidien dans des conditions pas toujours faciles le projet de la Fondation,  et cette motivation intacte jour après jour est un carburant inépuisable. Ce que je retiens principalement de ce mandat, c'est la capacité de ce navire à susciter intérêt et enthousiasme, une forme de passion contagieuse qui apporte ce supplément d'âme.

Quels ont été vos objectifs, vos motivations au cours de votre mandat de président ?
Ce mandat est d'abord l'expression d'une responsabilité et d'un travail  collectifs  visant à faire fonctionner un conseil d'administration et  une petite entreprise avec  toutes les contraintes inhérentes au fonctionnement d'une collectivité professionnelle, en intégrant la nécessité d'interagir avec  les fournisseurs,  les partenaires,  les  « clients «  si je peux me permettre cette expression. Cela veut dire faire partager un projet, le faire vivre  et  faire adhérer l'ensemble des acteurs. Cet état d'esprit, cette envie de fonctionner ensemble  est un préalable  indispensable pour aller plus loin. Au-delà de ce socle, je me suis impliqué avec l'appui du Secrétaire général dans l'impulsion de plusieurs évolutions notamment : la professionnalisation de la gestion technique du navire, condition sine qua non de la poursuite de sa carrière à la mer ; la nécessaire  réappropriation par Les Caisses d'Epargne, mécènes historiques de la Fondation, de ce projet d'exception face à une forme de lassitude naturelle après toutes ces années ; la Mission  sur les archives, devoir de mémoire compte tenu du destin exceptionnel  de ce navire ; l'ouverture vers d'autres partenaires notamment la Marine nationale - à ce titre le partenariat avec l'école des mousses est à mon sens exemplaire. Je  salue l'audace du Chef d'état major de la Marine  qui a  autorisé « des marins de commerce à  participer  à la formation des marins d'état », validant  s'il en était besoin la phrase d'Aristote : « il y trois sortes d'hommes - les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer ».

Pour quelle raison quittez-vous la Fondation ?
La richesse de l'histoire du Belem repose  entre autres sur un passage de témoin entre passionnés.  Mes activités professionnelles m'ont amené à quitter le groupe Caisse d'épargne, aussi il m'est apparu logique que la responsabilité de la conduite de la Fondation Belem, responsabilité partagée avec l'ensemble des membres du Conseil d'administration, appartienne à la famille du mécène. Aussi je suis heureux de passer ce témoin à Nicolas Plantrou qui, j'en suis sûr, saura écrire de nouvelles pages de ce magnifique livre de bord. Aucun d'entre nous n'est propriétaire de ce navire. Nous ne sommes que les modestes dépositaires d'un projet et  d'une mission, qui doivent se renouveler et se régénérer ; aussi un œil neuf permettra-t-il sans aucun doute de franchir  de nouveaux  caps. C'est la deuxième fois que je quitte le Conseil d'administration de la Fondation Belem : je resterai bien entendu très proche de la fondation,  du navire et de ses projets et je ne doute pas que j'aurai l'occasion de vous retrouver et de reparler  de notre passion commune.

Quels souhaits exprimez-vous pour le Belem ?
Ma réponse ne  va pas  vous surprendre : un navire est fait pour naviguer, notre pays a cette chance de disposer d'un unique témoin de la flotte marchande du XIXe siècle , riche d'une  histoire extraordinaire qu'aucun grand voilier au monde ne peut revendiquer. Aussi,  je souhaite que les soutiens  puissent continuer à se fédérer, à s'élargir, autour de ce projet, chacun en  fonction de ses moyens pour faire en sorte que  « E la nave va » comme disait Fellini et qu'il poursuive sa mission de musée qui  non seulement navigue mais qui « apprend la vie » comme nous a écrit  Jean-François Deniau qui,  je vous le rappelle, a été administrateur de la fondation Et un grand ambassadeur pour le Belem.

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