Navigatrice, journaliste, auteur, Isabelle Autissier est donc la première lauréate du Prix Belem des Ecrivains de Marine.
Depuis son bateau quelque part sur les mers australes, en route pour la Georgie du Sud, elle raconte sa rencontre avec Kerguelen, le héros de son livre, et les îles du même nom...
Depuis son bateau quelque part sur les mers australes, en route pour la Georgie du Sud, elle raconte sa rencontre avec Kerguelen, le héros de son livre, et les îles du même nom...
Votre livre Kerguelen. Le voyageur du pays de l'ombre se lit comme un véritable reportage, dans le rythme, l'atmosphère, l'immédiateté... Comment avez-vous construit ce travail d'écriture ?
Oui, c'est d'abord une rencontre. J'ai eu l'occasion d'aller sur ces îles, de m'y intéresser. Ensuite, cela faisait un moment que j'avais envie d'écrire. Donc, quand j'en ai eu le temps et l'occasion, je m'y suis mise. D'autant que j'aime bien cette période de l'histoire maritime. Ce fut un gros travail de recherche mais les documents existaient, qu'il s'agisse des livres de bord, des rapports au Roi, etc. Ensuite, j'ai fait plutôt un roman historique, donnant ma vision de ce que Kerguelen a pu penser de l'endroit qu'il a découvert...
Les marins prennent souvent la plume â Kerguelen a d'ailleurs lui aussi laissé des ouvrages. Vous, en outre, faites de la radio ! Qu'est ce que les gens de mer, comme vous, veulent ainsi transmettre, faire passer ?
Mais cela fait partie depuis toujours du métier de marin â nous devons tous tenir des livres de bord. Même au 18e siècle, les Marins du Roi étaient tenus de faire des rapports. En réalité, si on considère le nombre total de marins, je pense qu'il ne doit pas y en avoir qui écrivent plus que dans les autres métiers. Cela dit, la mer est un lieu d'imaginaire, de rencontres... je trouve qu'il y a une grande richesse dans la vie maritime et qu â on a envie d'apporter des connaissances, des points de vue.
Vous êtes d'ailleurs la preuve vivante que la mer est toujours un extraordinaire terrain d'aventures. Mais est ce que les « progrès de la civilisation » ne font pas oublier un peu aujourd'hui la dureté au quotidien des voyages en mer â comme le prouvent les navigations de Kerguelen ?
Evidemment, mais tant mieux. Vive la science et le progrès ! Je ne souhaite pas un retour à l'époque de Kerguelen. Même s'il est toujours intéressant de savoir ce que les gens vivaient et avaient dans la tête à l'époque. L'essentiel dans une navigation est que tout se passe bien. Mais vous savez, même aujourd'hui, quand quelqu'un travers l'Atlantique pour la première fois, il est toujours Christophe Colomb...
A votre avis, quelle place y a-t-il pour un navire comme le Belem dans l'aventure maritime d'aujourd'hui ?
Une place de témoignage. C'est un très beau bateau et un bateau rare. Il y a également la place du patrimoine. Lorsque les stagiaires montent dans les vergues, ils touchent du doigt ce qu'était la navigation d'autrefois â même s'il y a par ailleurs un GPS à bord comme dans tout bateau contemporain !
Vous êtes le premier lauréat du Prix Belem des Ecrivains de Marine, qui distingue une œuvre incarnant les valeurs d'aventure et d'engagement. A titre personnel, quel sens donnez-vous à ces mots d'aventure et d'engagement ?
Celui de la responsabilité. Derrière le mot aventure, il y a la responsabilité de ses propres actions en même temps que l'autonomie. L'engagement, c'est la responsabilité collective, notamment dans le respect de l'environnement. Quand on va en mer, qu'on comprend comment il est possible et important de collaborer avec la nature, ce sont des valeurs qu'on peut porter avec soi quand on revient sur terre.